L’ancien président français Nicolas Sarkozy s’est présenté pour la première fois mardi au tribunal pour son interrogatoire dans le cadre du procès sur les dépenses excessives de sa campagne électorale en 2012, débuté il y a trois semaines mais dans lequel son nom a été très peu évoqué jusque-là.
Vêtu d’un costume et d’un masque noirs, et d’une chemise blanche, il est entré dans la salle d’audience, l’air grave. M. Sarkozy a pris place sur une chaise, au côté de ses co-prévenus, après avoir salué les deux représentants du parquet d’un signe de tête.
A l’ouverture de l’audience et à la demande de la présidente, il s’est levé et s’est installé à la barre, face au tribunal.
Nicolas Sarkozy n’avait assisté à aucune audience depuis le début du procès le 20 mai, et se faisait représenter par son avocat historique, Me Thierry Herzog.
Les treize autres prévenus, anciens cadres de Bygmalion — du nom de l’agence événementielle liée à son parti — et de l’UMP (devenu Les Républicains), directeur de campagne, experts comptables – qui ont défilé à la barre, sont soupçonnés d’être impliqués à des degrés divers dans le système de double facturation imaginé pour masquer l’explosion des dépenses autorisées pendant la campagne.
Le prix réel des quelque 40 meetings organisés par Bygmalion avait été drastiquement réduit, et le reste – 80% des factures – réglé par l’UMP (devenu LR), au nom de conventions fictives du parti.
Contrairement aux autres, renvoyés notamment pour escroquerie ou usage de faux, Nicolas Sarkozy n’est pas mis en cause pour ce système, et comparaît pour « financement illégal de campagne » uniquement. Il encourt un an d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende.
Début mars, il était devenu le premier ex-président de la Ve République à être condamné à de la prison ferme: il s’était vu infliger par le tribunal correctionnel de Paris trois ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis, pour corruption et trafic d’influence, et avait fait appel.
Dans le dossier Bygmalion, « l’enquête n’a pas établi » selon l’accusation que Nicolas Sarkozy aurait pu « ordonner », « participer », voir même être informé du système.
Mais le président-candidat, loin d’être « déconnecté de sa campagne », a fait le choix avec son équipe de « meetings spectaculaires et dispendieux », et demandé d’accélérer le rythme – jusqu’à un meeting par jour. Une campagne « d’une rare densité », marquée par une « totale improvisation » des donneurs d’ordre, avait décrit l’accusation.
Elle estime que M. Sarkozy a laissé filer les dépenses, malgré plusieurs alertes sur les risques de dépassement, et ainsi « incontestablement » bénéficié de la fraude, qui lui a permis de disposer de « moyens bien supérieurs » à ce qu’autorisait la loi: au moins 42,8 millions au total, soit près du double du plafond légal à l’époque.
Pour lui éviter de devoir reconnaître publiquement que ses dépenses avaient dérivé « de manière spectaculaire », « avec les conséquences politiques et financières » qui s’en seraient suivies, dit l’accusation, il a été décidé de « purger » le compte de campagne.
Une thèse à laquelle ne croit pas Nicolas Sarkozy : le prix de ses meetings était « parfaitement en ligne » avec ceux de son opposant François Hollande, avait-il dit aux enquêteurs. Alors, « où est passé cet argent ? »
L’ex secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé, blanchi dans cette affaire et entendu comme simple témoin la semaine dernière, a bien une idée. « Il faut toujours se demander à qui cela profite », avait-il répondu au tribunal alors qu’on lui demandait son « hypothèse » sur la question : qui a ordonné la fraude ?
Jérôme Lavrilleux, à l’époque directeur de cabinet de M. Copé et directeur-adjoint de la campagne, et seul à l’UMP à avoir reconnu la fraude, assure que ni son patron, ni Nicolas Sarkozy, n’avaient été mis au courant.
Les autres anciens cadres de l’UMP et de la campagne ont évité de parler de l’ex-président. « Les décisions se prenaient à l’Elysée », a-t-on tout au plus entendu.
Le procès est prévu jusqu’au 22 juin.
Avec la Libre