À Marseille, une équipe de scientifiques explore une nouvelle piste contre le Covid-19. Déjà testée en oncologie, la molécule GNS561 élaborée par la biotech Genoscience pourrait se révéler efficace. Réponse dans quelques semaines.
Dans la cité phocéenne, le terrain de la recherche scientifique semble particulièrement fertile. Dans l’ombre du très médiatique Professeur Raoult, des équipes de médecins travaillent en effet d’arrache-pied pour tester diverses molécules contre le Covid-19. Dans ce riche écosystème, la startup Genoscience, fondée par le virologue Philippe Halfon, s’est lancée début avril dans des essais cliniques avec une molécule appelée GNS561, qui commence à faire ses preuves en oncologie pour des patients atteints du cancer du foie.
« Notre molécule est un dérivé lointain de la chloroquine qui se concentre surtout au niveau du foie mais aussi au niveau des poumons, explique Christelle Ansaldi, médecin responsable du développement clinique chez Genoscience. En tant qu’inhibiteur d’autophagie, GNS561 empêche les cellules cancéreuses de se multiplier et les virus de se répliquer, c’est pourquoi on s’est dit qu’il serait intéressant de travailler sur le Covid-19 ».
”GNS561 est beaucoup plus puissant que la chloroquine et l’hydroxychoroquine”
Face à l’urgence de la situation, l’équipe de la biotech marseillaise, composée d’une douzaine de scientifiques, a décidé de tester la molécule in vitro. Ces essais ont pu être rapidement réalisés à… l’IHU Méditerranée Infection, contre des souches de coronavirus. « Ces tests in vitro ont très bien fonctionné, se réjouit Christelle Ansaldi. On s’est comparé à la chloroquine et l’hydroxychloroquine, et on a réussi à montrer qu’on était beaucoup plus puissant ».
Les résultats étant prometteurs, la biotech est parvenue à greffer sa molécule de l’espoir à un protocole initié à Lyon, par le centre hospitalier Léon Bérard, spécialisé en oncologie. La cible de l’étude : les patients qui ont à la fois un cancer et le Covid-19. « On a obtenu l’accord de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) et du comité d’éthique début avril, se souvient Christelle Ansaldi. On a donc pu démarrer l’étude, appelée ImmunonCovid, portant sur 364 patients, dans plusieurs centres hospitaliers différents, de Lyon à Grenoble, en passant par Paris (Pitié-Salpêtrière) ou Lille ».
”Depuis le début de l’épidémie, le travail des petits labos passe un peu à la trappe”
En attendant d’avoir les résultats de l’analyse intermédiaire de l’étude dans quelques semaines, et d’être « safe » sur la toxicité de la molécule, Genoscience est également en train de lancer deux autres projets de protocoles : l’un à New-York, dans un centre d’oncologie mené par le Professeur Abou-Alfa, qui inclurait des patients atteints du cancer et du Covid-19, et l’autre au CHU de Dijon, qui n’inclurait que des patients Covid-19, probablement issus de la deuxième vague.
À l’instar de la combinaison par hydroxychloroquine et azithromicyne en cours d’évaluation dans plusieurs essais cliniques, le traitement par la molécule GNS561 serait plus efficace et utile s’il se prend au tout début de la maladie plutôt que lorsque le patient est en réanimation avec une pneumopathie. « Le but c’est d’être un antiviral, et d’empêcher, dès le départ, les 20% des malades du Covid-19 d’avoir des complications et d’être admis en réanimation », fait remarquer Christelle Ansaldi, qui confie par ailleurs être « très optimiste sur l’efficacité du GNS561 ». « Depuis le début de l’épidémie, le travail des petits labos passe un peu à la trappe, constate la médecin. Mais on verra bien à l’arrivée qui est efficace et qui ne l’est pas ».